Fin septembre, le premier tram autonome du monde, développé par Siemens, a parcouru la ville de Potsdam en Allemagne en toute sécurité. Équipé de caméras intelligentes pourvues de systèmes de reconnaissance d’image, le tram peut réagir aux signaux au sol et répondre aux dangers plus vite qu’un humain. En parallèle, la SNCF et ses partenaires ont annoncé des trains autonomes d’ici cinq ans, en devenant ainsi le premier opérateur à exploiter des trains autonomes pour le fret comme pour le transport de voyageurs et plaçant la France à l’avant-garde de l’innovation dans le secteur.
Ces deux exemples illustrent l’avance que consolide l’Europe sur le marché des transports intelligents. Certes, l’Europe a une tradition du développement des transports en commun plus forte et plus ancienne que les USA, mais il semblerait que même aujourd’hui, malgré l’hyper médiatisation des voitures intelligentes de Tesla, l’Europe maintienne son avance. Bien que les ventes de la Tesla Model 3 soient prometteuses aux Etats-Unis (top 5 des ventes de voitures en août 2018), les constructeurs français se taillent encore une grosse part du marché, avec par exemple la Renault Zoé qui est aujourd’hui la voiture électrique la plus vendue au monde.
De plus, au Mondial de l’Auto, Carlos Ghosn a confirmé son avance en matière de voitures électriques ainsi que la réalisation d’un plan solide de développement de véhicules connectés, autonomes, et le robotaxi. S’il s’agissait de simples prototypes il y a deux ans, ce sont maintenant des programmes structurés qui peuvent, selon lui, générer davantage de revenus et de rentabilité que le reste des activités de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Citons également Navya, une entreprise française spécialisée dans la conception et la construction de véhicules autonomes, électriques et robotisés.Elle a notamment conçu l’“Autonom Shuttle”, une navette déjà disponible à la vente, ainsi que l’“Autonom Cab”, le premier robotaxi autonome.
Au même moment, Elon Musk rencontre de fortes difficultés dans la gestion de son entreprise Tesla. Son éviction du poste de président du conseil d’administration de l’entreprise il y a quelques jours pour des raisons de communication suit de peu les tumultes de production de la Tesla 3 dont les modèles de l’usine californienne de Fremont sont produits dans une tente, sur le parking, selon un processus essentiellement manuel, alors que l’usine devait être la plus automatisée au monde – “la machine qui fabrique la machine”. Musk a admis son échec en affirmant que “la robotisation excessive a été un total fiasco”.
Ces problèmes se doublent d’une perte financière considérable qui ne cesse de s’accentuer. En effet, au quatrième trimestre 2017, Tesla a annoncé une perte nette de 675,4 millions de dollars. Leur modèle économique semble ainsi de plus en plus discutable, au point que le cabinet LMC Automotive prédit une perte de 12% à 3% du marché des véhicules électriques pour Tesla d’ici cinq ans, alors que les Allemands en détiendront plus de 20%. De même, Uber est en difficulté. Une de ses voitures autonomes a été filmée en train de brûler un feu rouge, et plus grave encore, un accident mortel a eu lieu en mars dernier dans l’Arizona lorsqu’une de leurs voitures autonomes a percuté une passante. La firme a réagi en ordonnant la suspension des essais dans plusieurs états américains.
Aujourd’hui, tous les signaux semblent être au vert pour que l’Europe rattrape son avance perdue sur les Etats-Unis dans le domaine du transport, et prenne de l’avance sur ses concurrents. Forte de son expertise historique – les premiers métros ont été construits à Londres en 1863 et les premiers métros automatiques à Lille en 1983, l’Europe reste pionnière en matière de transports en commun, et notamment la France avec le TGV qui aujourd’hui est classé 4ème meilleur réseau ferroviaire mondial derrière le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
Cette expertise industrielle européenne s’est construite sur le long terme, au fil des siècles, lui permettant d’acquérir un état d’esprit ambitieux mais réaliste, ancré dans l’expérience, et de mener ainsi à bien des projets industriels de très grande ampleur. Il est trop tôt pour dire si l’Europe pourra imposer son leadership sur la production de véhicules autonomes, mais que ce soit dans le cas des voitures électriques ou bien des transports en commun, l’expertise industrielle et le principe de réalisme de l’Europe pourrait bien en faire une figure de proue de la nouvelle génération de transports intelligents.
Article publié dans le blog d’Augustin Marty sur l’Usine Nouvelle.
Augustin Marty est le PDG et co-fondateur de deepomatic, start-up spécialisée dans le développement de solutions de reconnaissance d’images pour les industriels. Diplômé de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, il a créé sa première entreprise en Chine à l’âge de 22 ans, puis a travaillé notamment pour Vinci Construction sur la vente et la conception de projets d’ingénierie.