Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de TDF et de votre rôle au sein de la BU Fibre de TDF ?
TDF est un opérateur d’infrastructures de télécommunication et de diffusion au service de la couverture numérique du territoire, qui a enregistré près de 770 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021. L’entreprise compte aujourd’hui environ 1500 collaborateurs et est spécialisée dans les réseaux mobiles, la diffusion télévision et radio, ainsi que dans la fibre optique, marché sur lequel nous nous sommes lancés il y a 5 ans.
En tant que PMO à la Direction Transformation de la Division Fibre (chargée des process et méthodes, en lien avec les métiers et la DSI), une de mes missions a été d’introduire l’intelligence artificielle dans nos processus. A ce titre, je centralise l’utilisation de la plateforme Deepomatic.
Sur le secteur de la fibre optique plus particulièrement, quels sont les enjeux auxquels TDF fait face ?
TDF à travers ses cinq filiales, déploie, commercialise et exploite le réseau fibre optique sur six départements : le Val d’Oise, les Yvelines, l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher, le Maine-et-Loire et la Haute Savoie.
760 500 prises optiques seront ainsi déployées en partenariat avec les collectivités, et commercialisées par les fournisseurs d’accès à internet.
Le raccordement final des abonnés au réseau est à la charge des opérateurs commerciaux (OC) Bouygues Télécom, Free, Orange et SFR, qui sous-traitent ces opérations.
Il existe aujourd’hui un enjeu majeur autour de la qualité de ces raccordements. Ce sujet est surveillé de près par le gouvernement et le régulateur (l’ARCEP) a imposé un cadre réglementaire aux opérateurs commerciaux. Bouygues Télécom, Free, Orange et SFR sont ainsi tenus de mettre systématiquement à disposition des opérateurs d’infrastructures (OI) comme TDF des comptes-rendus d’interventions qui intègrent des photos des infrastructures concernées, prises par les techniciens lorsqu’ils réalisent le raccordement de l’abonné. C’est ainsi que l’introduction de l’analyse photo basée sur l’IA, et plus particulièrement la computer vision, est devenue une évidence pour vérifier la qualité des raccordements.
Au-delà de la qualité des raccordements, si nous voulons assurer la pérennité de notre infrastructure, c’est aussi la vie du réseau qu’il faut monitorer. Le deuxième enjeu est donc de surveiller la dégradation des équipements sur le moyen-long terme et ainsi garantir la rentabilité des investissements de TDF dans ses infrastructures fibre.
Vous mentionnez des problèmes de qualité observés, quelles sont les conséquences pour TDF ?
Très concrètement : le technicien est rémunéré au raccordement et il a donc tout intérêt à être rapide dans sa mission. C’est malheureusement parfois au détriment de la qualité de son travail. C’est ainsi que de nombreuses malfaçons sont constatées. Et lorsque le travail n’est pas réalisé dans les règles de l’art et que ce type d’intervention se multiplie, il y a un effet domino : à mesure que les interventions se succèdent (et parfois très vite), nous nous trouvons avec des « PM plats de nouilles » selon l’expression consacrée dans le milieu… Nous déclarons alors les malfaçons, et cela conduit à des ré-interventions coûteuses pour le sous-traitant ou l’opérateur commercial.
De notre côté (TDF), si nous ne sommes pas en mesure d’enrayer ce type de phénomène, nous finissons par planifier des remises en conformité totales de PM, que l’on peut chiffrer à environ 4000 € par armoire, mobilisant également des ressources internes même si les opérations sont sous-traitées.
Quel était le processus de contrôle qualité avant l’implémentation de la solution de Deepomatic ?
Pendant toute la période de déploiement de nos réseaux, des conducteurs de travaux sont sur le terrain et des auditeurs ont notamment la charge de vérifier la qualité des opérations.
Concernant les raccordements, il n’existait pas de procédure de contrôle systématique. Des vérifications aléatoires ou des remontées terrain permettaient d’identifier des malfaçons et/ou dégradations. La croissance du nombre de raccordements nécessitait de mettre en place une solution industrielle et systématique. Enfin, la direction de l’exploitation de la BU Fibre organisait des maintenances préventives, avec un passage deux fois par an sur chacun de nos points de mutualisation (armoires de rue).
Vous avez donc choisi d’utiliser Deepomatic pour passer le contrôle qualité à l’échelle ?
Tout à fait ! Nous sommes en contact depuis 2021 et après la réalisation d’un POC en 2022, nous avons choisi la plateforme de computer vision de Deepomatic qui analyse les photos de chacun des comptes-rendus d’interventions (CRI) qui nous sont mis à disposition par les OC intervenant sur nos réseaux.
Qui utilise la solution Deepomatic aujourd’hui chez TDF, et comment exploitez-vous les données de business intelligence?
A ce stade, j’assure un reporting régulier vers la direction de l’exploitation. Les résultats-KPI sont multiples et s’adressent à différents collaborateurs côté exploitation, en fonction de leurs attributions respectives. Par exemple, nous avons mis en place avec Deepomatic des indicateurs concernant la complétude des CRI (photos mises à disposition), l’exploitabilité des photos, la qualité des raccordements et les malfaçons constatées ou encore les références PTO (étiquetage chez l’abonné) en concordance avec la route optique fournie par TDF à l’OC.
Les collaborateurs de TDF qui assurent la relation avec les OC utilisent Deepomatic et s’appuient sur les résultats que je leur mets à disposition pour notifier les malfaçons aux OC. Ils peuvent ainsi leur demander de réintervenir pour une remise en conformité de l’infrastructure sur laquelle le technicien n’aurait pas respecté les règles.
Les responsables d’exploitation ont également accès à la plateforme. Ils disposent de données leur permettant de connaître l’état de nos infrastructures, notamment les PM, grâce à l’indice de dégradation qui a été mis en place.
Grâce à l’IA, des maintenances correctives peuvent être déclenchées par les responsables d'exploitation ou leurs collaborateurs. On peut citer par exemple la remise en place de tambours manquants pour le lovage des fibres en partie centrale des PM.
Concernant les outils/interfaces de la plateforme Deepomatic, la fonction Search est l’outil adapté qui permet d’aller rechercher un CRI donné et de vérifier la qualité du raccordement pour chacun des équipements concernés. L’Asset Management est très pertinent pour vérifier l’état d’un équipement, d’autant qu’il permet de remonter dans le temps et de suivre son évolution, CRI par CRI si besoin. L’Intelligence Center est très utile pour les indicateurs de performance, tels que les volumes de comptes-rendus d’intervention (CRI) traités sur une période donnée ou par exemple le taux de conformité ou le taux de complétude des CRI.
Avez-vous pu mesurer l’impact depuis la mise en place du projet avec Deepomatic ? Quels bénéfices retirez-vous de ce projet ?
Le premier bénéfice est d’ordre réglementaire puisque des KPI concernant les raccordements sont communiqués à l’ARCEP. Nous nous appuyons sur les résultats des analyses des CRI sur la plateforme Deepomatic pour certains d’entre eux.
Depuis la mise en place de la plateforme de computer vision de Deepomatic et le partage des résultats avec les OC, nous observons une très nette amélioration de la complétude des CRI ainsi que la qualité des photos mises à disposition. A noter que tous les OI et OC ont introduit l’IA et concourent ainsi à l’amélioration des résultats.
La plateforme Deepomatic intègre des données concernant l’activité des OC ainsi que sur l’état de nos infrastructures. Nous nous appuyons donc dessus pour les remises en conformité des PM.
Nous entendons également réduire nos coûts de maintenance préventive et corrective, grâce à un pilotage s’appuyant sur la plateforme Deepomatic, qui nous permet de savoir en permanence dans quel état se trouvent nos équipements.
L’IA remplace nos yeux lorsque nous ne sommes pas sur le terrain !
Quelques mots sur la collaboration avec Deepomatic pour conclure cette interview ?
Les équipes de Deepomatic sont impliquées et réactives. Les collaborateurs de Deepomatic sont également proactifs. Une relation de confiance s’est installée. C’est évidemment très important pour TDF, notamment parce qu’il convient de poursuivre l’amélioration des résultats de certains cas d’usage (points de contrôle). Cela permet aussi de faire évoluer la plateforme afin de la rendre toujours plus pertinente compte-tenu des besoins métiers qui peuvent évoluer.
Lexique des acronymes utilisés :
OI = Opérateur d’infrastructures
OC = Opérateur Commercial
PM = Point de mutualisation
CRI = Compte-rendu d’intervention
ARCEP = Autorité de régulation des communications électroniques
KPI = Key performance indicator