Dans un précédent article nous avons vu à quel point l’Europe est à la pointe du développement de l’IA dans les transports, et notamment dans la création de transports autonomes. Cet octobre, encore un nouveau projet innovant a été annoncé en France par la RATP qui a décidé de lancer une ligne de bus autonomes dès 2019. Les tests se feront dans le Val de Marne sur la ligne 393, avec des passagers à bord, et pourront aller jusqu’à l’automatisation totale. Mais si les transports autonomes font beaucoup de bruit, ils sont loin d’être les seuls projets révolutionnaires à forte valeur ajoutée que pourraient apporter l’IA dans le domaine des transports en commun. Ce secteur contient à lui seul un grand nombre d’applications possibles de l’IA et de la reconnaissance visuelle en particulier, faisant de lui, potentiellement, le premier bénéficiaire de l’IA.
Afin de vous donner une idée du vaste champ possible d’applications de la reconnaissance visuelle au secteur des transports en commun, voici quelques exemples de cas d’usages concrets.
Renforcement de la sécurité dans les gares
Commençons par les applications de sécurité et de sûreté. En équipant les caméras de vidéosurveillance en place d’un système de détection automatique, il est possible de prévenir de nombreux accidents et de redonner confiance aux usagers dont le sentiment de sécurité s’est dégradé. En effet, une étude publiée en janvier 2018 par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) montre que plus de la moitié des femmes (51%) et 38% des hommes affirment parfois ressentir de l’insécurité lorsqu’ils empruntent les transports en commun. Une IA entraînée à reconnaître un potentiel danger (une agression, un bagage abandonné) peut alerter en temps réel un agent de sécurité qui pourra intervenir immédiatement sur les lieux. De même, détecter en temps réel des personnes tombant sur les voies ou faisant un malaise permettrait de leur porter secours dans les meilleurs délais possibles et d’arrêter automatiquement un véhicule en cas de danger.
Gestion des flux de passagers
Mentionnons aussi que des caméras équipées de reconnaissance visuelle peuvent effectuer un comptage précis des usagers en gare, sur les quais et au sein des véhicules, optimisant ainsi la gestion des flux de voyageurs et la fréquence horaire des trains. Elles permettent une meilleure compréhension de ce qu’il se passe à l’intérieur des transports en commun, collectant des données sur les places vides, les horaires creuses, mais aussi les malaises et les incivilités sur certains réseaux. Ces précieux indices permettent aux entreprises de s’adapter rapidement aux conditions sur le terrain.
Lutte contre la fraude
En gare, la reconnaissance visuelle permet de détecter et d’estimer la fraude, un manque à gagner majeur pour les entreprises de transport. En effet, selon les estimations de la Cour des comptes en 2016, les pertes liées à la fraude représentent un manque à gagner de 191 millions d’euros pour la RATP et la SNCF. Grâce aux caméras intelligentes, il serait possible de détecter automatiquement les personnes, par exemple, qui enjambent le tourniquet d’accès et ne compostent pas leur titre de transport.
Maintenance prédictive
Par ailleurs, c’est aussi tout le secteur de la maintenance qui peut bénéficier de la reconnaissance vidéo. En effet, des caméras intelligentes présentes sur les voies peuvent détecter des problèmes tel que des vis manquants, des fissures sur les rails, des pantographes usés, de la saleté ou des graffitis sur les trains. Ces informations remontent directement aux techniciens en charge de la maintenance, qui peuvent alors agir efficacement au plus vite.
Un service client enrichi à bord
Enfin, il existe d’autres applications possibles de l’IA au secteur des transports en commun, dans des domaines peut-être moins attendus mais tout aussi intéressants pour les entreprises, telle que la restauration à bord des trains et TGV par exemple. Ces derniers pourraient s’équiper de caisses automatiques qui détectent les plats et boissons sur les plateaux des voyageurs, fluidifiant ainsi les queues au bar et contribuant à rendre l’expérience des voyageurs plus agréable.
Nous constatons donc que le domaine des transports en commun agrège plusieurs secteurs (la sécurité, la mobilité, l’industrie et la restauration), faisant de celui-ci un réel attracteur de cas d’usages pour la reconnaissance visuelle. La bonne nouvelle est que leurs applications peuvent être mises en production dès 2019 car elles reposent majoritairement sur une exploitation des réseaux de caméras de vidéosurveillance déjà en place. Cela permet non seulement une implémentation et un passage à l’échelle accélérés, mais aussi un meilleur amortissement du système en place. Les coûts de mise en production sont faibles grâce à une réutilisation d’un parc de caméras existant, et le temps de développement des algorithmes est réduit grâce à la disponibilité des données. En effet, les données émises par les caméras de vidéosurveillance étant déjà récoltées pour entraîner les algorithmes de détection, il est possible de développer des systèmes de reconnaissance visuelle en seulement quelques semaines, puis d’augmenter les performances au fil du temps sur le terrain. Les bénéfices pour les transports en commun, s’ils se dotent d’IA, peuvent donc se faire à court terme. De plus, le retour sur investissement est très fort car la valeur apportée est identifiable et les bénéfices multiples.
Nous observons déjà que les acteurs de l’industrie des transports en commun se saisissent de cette opportunité en or, à l’instar des bus autonomes de la RATP, ou de la SNCF qui a récemment lancé un appel d’offre pour un projet de vidéo-protection. La France est en bonne voie pour que des projets industriels portés par l’IA voient le jour dès 2019, pour le plus grand bénéfice de tous les citoyens !
Article publié dans le blog d’Augustin Marty sur l’Usine Nouvelle.
Augustin Marty est le PDG et co-fondateur de deepomatic, start-up spécialisée dans le développement de solutions de reconnaissance d’images pour les industriels. Diplômé de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, il a créé sa première entreprise en Chine à l’âge de 22 ans, puis a travaillé notamment pour Vinci Construction sur la vente et la conception de projets d’ingénierie.